Marques et transparence : Les propositions choc du think tank agroalimentaire
Réunis au sein du think tank agroalimentaire, une trentaine d’acteurs agricoles et agroalimentaires ont présenté, jeudi 27 juin, 18 recommandations pour sortir l’agriculture et les filières agroalimentaires françaises des difficultés. Certaines d’entre elles – orienter la Pac vers la transition agricole, rentre totalement transparente l’origine des produits, créer « 20 marques d’excellence française » – chamboulent l’ordre agricole et agroalimentaire établi, quitte à remettre en cause le fonctionnement de filières entières, comme en viande bovine.
Les représentants du think tank agroalimentaire ne voulaient pas être trop pessimistes quant à l’évolution économique des secteurs agricoles et agroalimentaires. Mais quelques chiffres, présentés en introduction de la présentation de leurs 18 recommandations « pour une nouvelle politique agricole et alimentaire » jeudi 27 juin 2019, ont suffi à brosser un panorama alarmiste. « Alors que les exportations ont progressé d’un tiers, les importations ont augmenté de moitié. Aujourd’hui, l’Allemagne exporte plus de fromages que la France », a expliqué Jean-Marc Vittori, économiste et éditorialiste aux Echos, pour qui il y a de « nombreuses raisons de s’inquiéter ».
« Depuis 2000, la production agricole stagne. Nous perdons donc des parts de marché. La France est passé de la 2e place à la 5e place en termes de parts de marché mondial derrière les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Brésil » explique Olivier Dauvers, directeur du think tank, et spécialiste de la distribution et de la consommation agroalimentaire. Et bientôt à la 6e place derrière la Chine.
Il faut bousculer cette défense du modèle agricole familial à la française.
Alors comment sauver l’agriculture et les agriculteurs, la puissance agroalimentaire du pays ? « Nos recommandations vont piquer certains », prévient-il. « Il faut arrêter de croire qu’il n’y aura, demain, que des exploitations de 50 vaches allaitantes », poursuit Jean-Marc Vittori.
Des aides Pac pour accompagner la transition et non plus soutenir un revenu
L’un des leviers proposés par le think tank s’oriente logiquement vers la réforme de la Pac. « Les aides de soutien direct au revenu sont sans perspectives à long terme », juge Jean-Marie Séronie, agroéconomiste ayant participé aux réflexions. En viande bovine par exemple, les aides couplées sont pour beaucoup dans la déconnexion de la filière au marché.
« Les aides ne doivent plus être un soutien au revenu, mais un accompagnement à la transformation », tranche-t-il. Il s’agit « d’accompagner les évolutions sous deux angles : la transition agroécologique et l’économie ». « La transition agroécologique, c’est tout sauf revenir à l’agriculture des grands-parents, comme le disent certains ». L’auditoire aura compris l’allusion aux propos récents du ministre de l’agriculture. « Au contraire, c’est extrêmement technique. Il s’agira à la fois d’ exploiter le numérique et les nouvelles technologies, tout en revenant au naturel, en exploitant toutes les interactions entre systèmes vivants.
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Voici les 18 recommandations « faites au gouvernement et aux acteurs de la filière » :
- Réaffirmer la mission agricole et agroalimentaire de la France
- Repenser les périmètres et les compositions des interprofessions
- Accepter la diversité des modèles agricoles, y compris les exploitations « agro-industrielles »
- Limiter les distorsions dans les coûts de main-d’œuvre entre pays de l’UE
- Remettre « le choc de simplification » à l’ordre du jour
- Conditionner les aides à la mise en œuvre d’une réelle transition agricole
- Revendiquer un référentiel européen
- Assurer le contrôle du socle européen de bonnes pratiques
- Mettre davantage en cohérence la politique agricole avec l’ensemble des politiques européennes
- Acter le principe de non-surtransposition
- Donner aux exploitants les moyens de gérer les aléas avec des outils assurantiels
- Créer un observatoire des distorsions dans les conditions de production selon les pays
- Détecter les points d’inéquité majeurs pour concentrer la négociation avec les partenaires européens
- Accepter la remise en cause d’un modèle de « flux poussé »
- Accroître la transparence avec la blockchain
- Identifier 20 marques/filières d’excellence alimentaire française pour concentrer les moyens
- Permettre réellement l’identification de l’origine des produits par le consommateur
- Favoriser l’émergence d’un indicateur de valeur sociétale